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14 février 2016 7 14 /02 /février /2016 12:04

Mystère de mon enfance, j'ai retrouvé le jeu de cartes de mon grand-père dans un magasin rennais : le jeu de la « vache » appelé aussi aluette ou luette.

Ce sera l'occasion de parler d'un des jeux les plus populaires de la façade atlantique jusqu'à récemment et déjà mentionné par Rabelais.

 

Hebergeur d'image

(Carte du début du XIXe)

 

La baraja.

 

La baraja est le jeu de cartes de la péninsule Ibérique, ici pas de piques, trèfles, cœurs et carreaux mais des coupes, des épées, des bâtons et des deniers. Elle a été diffusée un peu partout dans le monde (Amérique du Sud et Maghreb).

Très tôt certains ont essayé de déchiffrer la symbolique de l'iconographie de la baraja à travers les modes littéraires de l'époque. Le XVIIe pétri d'humanisme fait le lien avec les dieux antiques: la coupe pour Bacchus, l'épée pour Mars, le bâton pour Saturne, et le denier pour Pluton.

À la fin du XVIIIe, période plus révolutionnaire, on y voit des classes sociales: l'épée (noblesse), la coupe (clergé), le bâton (les travailleurs), le denier (bourgeois).

 

 

Diversité locale:

 

Il existe de nombreuses formes locales et différents «portraits» (styles iconographiques) à la baraja, il y a la baraja castellana, la baraja catalàna, de Cadix, des versions italiennes (sicilienne, napolitaine, …). Le patron de l'aluette diffère par son style (plus archaïque) et certaines de ses figures.

Les « aluettes» (Le Borgne, La Vache, Madame, Monsieur) n'existent par exemple pas dans la baraja.

 

Hebergeur d'image

(Dame de denier, imprimée en 1784 à Nantes)

 

Comment est-elle arrivée là ?

 

Eh bien on ne sait pas bien. On sait que l'aluette est le jeu de cartes des populations de l'Atlantique depuis fort longtemps puisque Rabelais la mentionne à la fois dans Pantagruel (1532) et dans Gargantua (1534).

Il semble tout de même que le golfe de Gascogne ne soit pas pour rien dans cette affaire, car l'aluette (ou variantes proches) était jouée le long de la côte, du pays basque à la Basse-Normandie. Dans certaines zones elle était jouée exclusivement par les marins (Manche).

On sait que les terre-neuvas bretons jouaient à ce jeu à bord et que dans les ports de Brest et de Nantes les cartiers fabriquaient des jeux d'aluettes (J-P Seguin et C. de Jandin, 1963)

À l'époque contemporaine, le jeu était particulièrement joué en Bretagne et Bas-Poitou. En ce début de XXIe il est surtout joué en Vendée, dans le pays de Retz et dans la presqu'île guérandaise. Le jeu a résisté aux cartes «françaises» dans ces zones sans doute grâce à la combinaison production de cartes à Nantes et vie maritime.

 

 

Vocabulaire:


En breton l'aluette se dit an aluetenn ou an aluetez (Favereau. 2005).

Malheureusement, je n'ai trouvé que peu d'information sur le vocabulaire lié à ce jeu en pays gallo et en Basse-Bretagne. Quels sont les noms des figures en gallo et en breton ? Si vous avez des informations je suis preneur !

En breton (born), comme en gallo (bogn, borgne) l'as est désigné par un mot qui signifie «borgne» Ce pourrait être une influence de l'alouette où le borgne fait parti des cartes les plus fortes.

 

Hebergeur d'image

(Deux de chêne, début XIXe, imprimé à Nantes)

 

Comment jouer ?

 

Voici le déroulement du jeu expliqué rapidement. Si vous voulez aller dans les détails je vous propose d'aller sur ce site.

 

Nombre de joueurs : 4 ou 6 divisés en 2 équipes (2 ou 3)

Cartes par joueurs: 9 cartes si vous jouez à 4. 7 cartes si vous jouez à 6

But: gagner 5 plis par équipe. Un individu gagne un pli lorsqu'il a posé la carte la plus forte.

 

Valeur des cartes (classées par ordre de valeur)

Aluettes : Monsieur, Madame, Le Borgne, La Vache.

Doubles : 9 de coupe (grand neuf), 9 de denier (petit neuf), 2 de bâton (deux de chêne), 2 d'épée (appelé « Rochelle» ou « écrit»)

 

Puis l'ordre est le même que le jeu de carte français: As, Roi, Cavalière, Valet, et la bigaille: (9 restants, 8,7, 6, 5, 4, 3, (2 restants).

 

  1. Le donneur distribue les cartes.

  2. Les joueurs d'une même équipe se font des gestes pour indiquer à leurs coéquipiers quelle carte ils veulent jouer (les mimiques à faire sont souvent inscrites sur les cartes). Par exemple lever l'index et le majeur signifie que le joueur possède le deux de chêne. Les joueurs peuvent aussi essayer d'espionner les gestes de l’autre équipe.

  3. Dans le sens des aiguilles d'une montre les joueurs posent une carte sur la table en commençant par le joueur situé à la gauche du donneur.

  4. Le joueur qui a la carte la plus forte gagne le pli.

  5. Si deux cartes de la même valeur sont posées, le jeu est « pourri » et personne n'a gagné le pli.

  6. Le joueur qui a gagné (ou pourri) le dernier pli commence. Et ainsi de suite.

  7. Le jeu se finit lorsqu'une équipe a gagné 5 points.

Hebergeur d'image

(Un cinq de bâton, de la "bigaille" donc, imprimé à Nantes au XIXe)

 

 

Où trouver un jeu d'aluette ?

 

Il n'y a plus que la maison Grimaud qui imprime des jeux d'aluettes. Vous en trouverez dans les boutiques de jeux pour environ 7 ou 8€.

 

 

Bibliographie.

 

J-P . Seguin et C. de Jandin, Cinq siècles de cartes à jouer en France, Bibliothèque nationale, Paris, 1963.

 

F. Favereau, Geriadur ar brezhoneg a-vremañ, Skol-Vreizh, Montroulez, 2005

 

P. Sebillot, Revue des traditions populaires, Tome X, Paris, 1895, p. 60.

 

Bâtons, coupes et borgnes, le jeu de l'Aluette.
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9 janvier 2016 6 09 /01 /janvier /2016 15:16

Dans cet article nous parlerons de mégalithes et de jeux de tables (sisi!). Une pierre turbalaise sera en effet l'occasion d'apprendre à jouer à deux jeux anciens.

À la Turballe, près du village de Brandu existe un site mégalithique. Comme quelques autres mégalithes de la région (Méniscoul à Piriac, par-exemple) cette pierre présente une gravure rupestre.

Elle représente une sorte de petite marelle, motif que l'on trouve assez fréquemment, et ce depuis la plus haute antiquité. Malheureusement, le mégalithe a depuis été renversé (durant la Seconde Guerre Mondiale paraît-il, cf biblio).

 

(image wikipedia)

 

Le musée du Laténium à Neuchâtel présente ainsi une pierre figurant un motif très semblable, une petite marelle coupée par une croix.

Le Laténium indique que ce motif est fait un jeu, celui du «moulin», déja très populaire durant l'Antiquité et tout le Moyen-Age.

 


1) Le jeux du moulin.

 

Hebergeur d'image

 

Nombre de joueurs : 2

But : Éliminer tout les pions de l'adversaire.

Durée : environ 30 m.

Ce jeux marche sur le même principe que le jeux du «morpion» ou des «petites croix».

Chaque joueur possède 9 pions d'une couleur. Les joueurs placent leurs pions à tour de rôle sur les croisements de lignes. À chaque tour, le joueur peut soit poser un nouveau pion où il veut sur la grille, soit bouger un de ses pions posé ultérieurement vers un croisement proche (il ne peut pas passer par dessus un autre pion).

Lorsqu'un joueur réussit à avoir trois pions à suivre horizontalement, verticalement ou en diagonal il peut éliminer un pion de son choix.

Le joueur qui a éliminé tout les pions adverses gagne la partie.

 

 

 

Brandu et gwezboell ?

Dans le numéros 132 du Bulletin de la société archéologique de Nantes et de Loire-Atlantique, Gildas Buron rapproche le nom du village de Brandu d'un jeux gaélique médiéval : Brandub (corbeau noir) qui est la variante d'un jeux bien connu dans les pays de langue celtique au Moyen-Age et qui se nomme «gwezboell» en breton («intellect du bois»), « gwyddbwyll » en gallois et fidchell en irlandais.

Des jeux semblables existaient en Scandinavie, et tous sont des sortes de jeux d'échec. Selon cet article les habitants auraient rapproché le motif de la pierre à ce jeux, d'où le nom de pierre de Brandu.

Les règles de ces jeux ont été reconstituées (plus au moins théoriquement) grâce à la littérature médiévale.

 

 

2) Gwezboell.

(source)

 

Nombre de joueurs: 2

But : Joueur aux pions noirs : tuer le roi.

Joueur aux pions blancs : emmener le roi dans un coin du plateau.

Durée : environ une heure.

Plateau : 9X9

Joueur aux pions blancs :

8 pions (se déplacent verticalement et horizontalement d'autant de cases qu'ils veulent) + Roi (idem)

Il commence la partie.

Le roi est placé sur la case centrale, son « trône » où il est entouré de ses héros, le joueur doit diriger son roi vers l'un des quatre bords du plateau. Seul le roi peut se mettre sur ces cases il est aussi le seul à pouvoir aller sur la case « trône ».

Joueur aux pions noirs.

16 pions (se déplacent verticalement et horizontalement d'autant de case qu'ils veulent) distribués sur les quatre côtés du plateau.

Le but de ce joueur est de tuer le roi en l'encerclant (avec 4 de ses pions).

Manger un pion adverse :

Un pion est « mangé » lorsqu'il se retrouve entre deux pions adverses. Cependant si le joueur choisit lui même de mettre un de ses pions entre deux pions adverses son pion reste indemne.

 

Pourquoi un jeux sur un mégalithe ?

Les mégalithes avaient une symbolique forte dans les imaginaires, il peut sembler surprenant que des individus aient tracé la forme d'un jeux sur une pierre de ce type. Il faut cependant garder à l'esprit qu'à l'époque la frontière entre jeux et croyances était mince. Une victoire à un jeu pouvait être interprétée comme un signe positif des (ou du) dieu(x).

 

Bibliographie :

 

Buron Gildas, Brandu, site à pétroglyphe et le damier celtique dit du « corbeau noir », Bulletin de la société archéologique de Nantes et de Loire-Atlantique, n°132, 1997

 

Sterckx Claude, Diwar-benn ar c'hoari « Gwezboell », Hor Yezh, Ebrel 1977

 

Sterckx Claude,Les jeux de damiers celtiques, Annales de Bretagne, n°4, 1970

Pen-Bron, commune de la Turballe

Pen-Bron, commune de la Turballe

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 06:47

C'est vrai que ce blog tire son nom de ce mot. Si vous cherchez des informations sur le net, vous trouverez des infos disparates. Certaines cartes montrent un minuscule « pays » autour de la Roche-Bernard, ailleurs il est question des alentours de Guémené-Penfao, mais entre les deux ? Et puis c'est quoi mitao ou mitaw ? C'est le propos de cet article.

 

Anciennes attestations :

Il semble que la première mention de ce terme date de 1893, par Léon Maitre dans son L'ancienne barronie de la Roche-Bernard. En 1908, dans la Revue de Bretagne, un "breton de Paris" oppose "gallo" et "mitau": :


"on jurerait quelques fois des haines; mais est-ce qu'un "Gallo" a jamais chassé un "Mitau" vers Paris, est-ce qu'un "Pourlette" s'est jamais enfui vers la capitale parce qu'il détestait le "Mouton" son voisin ? " (source)

 

Opposer "gallo" et "mitau" semble étonnant ( peut-être que pour lui "Gallo" ne s'appliquait qu'aux habitants proches de la frontière linguistique).

 

1) Une recette.

 

Parce que, oui, ce n'est peut être pas très romantique, mais le « mitao » /mitaw/ ou « mitchao » /mitʃaw/ c'est une recette paysanne. Il en existe plusieurs versions, mais en gros il s'agit d'une sorte de soupe de blé noir chaude avec du cidre. À Plessé, des informateurs parlaient de vin plutôt que de cidre. Dans le même secteur Plessé / Guenrouët, on m'a dit que le mitao se mangeait après les battage, très froid (avec des glaçons) et du vin blanc (confusion avec la mitonnée ?).

Il existe une autre recette proche : « la mitaode », spécialité (oubliée?) nantaise qui consiste en une galette trempée dans du vin blanc (forcément). Les rennais ont leur galette saucisse, mais les nantais ont oublié la mitaude ! L'univers est impitoyable !

D'autres pistes étymologiques ont été avancées, Léon Maitre a proposé d'y voir un composé en « mit-eaux » au XIXème siècle, mais je n'y crois pas trop. D'une, le mot « mitao » a des équivalents dans les autres langues proches. Ensuite, « eau » se dit « iao » à l'est de l'Isac, on devrait avoir un doublet « miteo »/ « mitiao ». Ce n'est pas le cas.

 

2) Mitouney, mie, …

 

Ce mot « mitao » et donc « mitaode » (on écrit donc « mitaud » en français), a des voisins dans les autres langues romanes. À Vendôme une « miottée » est « du pain trempée dans du vin » par exemple, "mitton" (miette de pain) en Normandie, "mitonnaille" (soupe de pain en pays de Retz), "michao" (pain au lait à Oléron), "mitchao" dans le Bas-Maine (reste d'un repas)... Tout ces mots sont à rapprocher étymologiquement de « mitonner » (mitounë en gallo nantais), « miette » ect…

 

 

3) Le pays de Vannes.

 

Étape incontournable. C'est alors qu'un certain nombre d'habitants du pays nantais allèrent travailler la terre de l'autre côté de la « marëy », la Vilaine. Il faut croire que leurs mœurs culinaires étonnèrent puisqu'ils furent surnommés du nom de cette mixture. Un « mitao » devint cet être étrange venu des sauvages contrées du sud de la Vilaine. La mitaode et le mitaod devinrent des exonymes.

 

4) Marouao.

 

La revue Pihern de Guémené-Penfao mentionne un autre surnom pour les habitants du sud de la Vilaine par les habitants des alentours de Redon : Marouao. Ce mot serait à rapprocher de « marouao » (cri du chat en chaleur) et de « marouaodë » (crier, pour les chats en chaleur). Ces mots sont liés au moyen français « maraud » (filou). En pays nantais on dit aussi « avoir l'air d'un chat-maroux » (avoir les cheveux en bataille, être sans tenue ). Tout ces mots viennent de « maraud » (matou) et sont d'origine onomatopéique.

 

5) Les exonymes.

 

Il y a les « bobos », les « parigos », les « ventres à choux »,… « mitao » est donc à placer parmi ces surnoms (signeuriss) un brin péjoratifs. Nous savons aussi nous défendre et les individus qui s'agitent de l'autre côté de la Vilaine sont des « bihennè » /biɛ̃nɛ/, contraction de « Morbihan » et prononcé à la nantaise.

 

Et puis il y a les « culs-salés » des marais salants, surnommés aussi « gweriganed » en breton. Les habitants du sud de la Loire étaient surnommés simplement les "bousoux" ou les « petarins » (sans doute à cause de la chouannerie, ceux-là ont eu la gâchette facile sur leurs « petouerrs »). Les nantais étaient les « berlingots » (encore à cause d'une spécialité) ou encore les « nannètt » /nɑ̃nɛt/ à Saint-Mars (cf : F.Lecuyer. Sans doute du nom breton de la ville : Naoned qui se prononce /nɑ̃nɛt// dans les parlers du sud). Pour les briérons des îles, tout ce qui venait du « continent » était « naquèt » (peut-être à rapprocher du manchois « naqueter » = bégayer. Le « naquet » serait celui qui baragouine ?). Les briérons étaient surnommés les "moutoux" (à cause des mottes de tourbe), et on disait qu'il fallait trois briérons pour faire un Homme.

 

Et puis il y a la chimère du « vrai breton », origine de biens des surnoms. Règle de base, le « vrai breton » c'est toujours l'autre. À Saint-Julien de Concelle, les « bërtons » sont de l'autre côté de la Loire. Dans les communes morbihannaises autours de la Roche-Bernard (H. Dréan) c'est ceux de l'autre côté de la Vilaine (sans doute pour d'anciennes raisons linguistiques), pour les morbihannais gallos ils sont à trouver parmi les bretonnants vannetais, mais si vous demandez à ces derniers ont vous dira que le vrai breton est quand même dans le Finistère, etc.

Ces surnoms reflètent parfois des situations sociales, les « bertons d'éqhuri » étaient les employés bretonnants dans les fermes gallaises du côté de Blain. Cette main d’œuvre bretonnante était aussi surnommée « éqao » dans la presqu'île (F. Guériff).

 

Locuteurs de telle ou telle langue traînent ainsi aussi leurs surnoms. Pour les gallos, les bretonnant-es étaient les « berzounèttes »/« berzounèts » (Brière et Nantes, de « brezhoneg »), ou les « mahos » (de « mav ») et puis il y a ceux qui parlent « chino » (à ne pas confondre avec « chinois » même si nous parlons de deux contrées du Levant) surnom de « français », francophones donc.

Les bretonnants appelaient les autres simplement « gall » (français) ou « galloù » («francillon») qui a donné bien des patronymes comme Le Gall, ainsi que le mot même de « gallo ».

 

Sans parlers des surnoms se rattachant aux métiers, les « gorou d'begen » (castreur de vers de terre) sont les paysans, etc..

 

 

6) Le « modèle de la Basse-Cornouaille ».

 

Bref, c'est bien beau les surnoms. Mais pourquoi avons nous un pays Mitaw sur certaines cartes, avec drapeau et tout le tsointsoin et point de « pays naquet » « pays ventre à choux » ou encore « pays des gorou d'begen » ?

Je pense que c'est motivé à l'origine par le morcellement de la Basse-Cornouaille en micro-pays qui n'avaient bien souvent pas d'existence administrative mais qui se démarquaient de leurs voisins essentiellement par l'habit (Bro C'hlazik, Bro Ruzik,…), voire les danses.

Ce système n'était pas aussi fort partout en Bretagne, loin de là. Mais j'ai l'impression qu'avec la renaissance culturelle durant le XXème siècle, il y a eu le désir de faire coïncider la situation de la Basse-Cornouaille à toute la Bretagne, quitte à forcer un peu le trait sur des « pays » qui ne sont pas grand-chose de plus que des surnoms par endroits. Dans le pays nantais, ces micro-pays existent bien et certains sont bien marqués, même historiquement, comme le pays de Retz par exemple. Dans la zone qui nous intéresse,d'un point de vue historique, il y a eu le « Coislin » qui a recouvert une vaste zone du nord du pays nantais, mais c'était le résultat des expansions territoriales d'une famille noble locale. Il faut aller dans la presqu'île pour rencontrer quelque chose pouvant rappeler nos broioù de Basse-Cornouaille. Il y a aussi eu le pays de la Mée, mais aux contours très variables selon l'époque et les cartes.

 

 

Sources :

 

Dréan Hervé, Autour de la Roche-Bernard, Dastum, 1985

Lecuyer Fabien, Raczaereriy : Maùvv e Saent-Marr, Lez Emóleriy Au Sórgarr

Mikael, Y., & Cogrel, E. Pays mitaw, pays breton: histoire, linguistique & toponymie d’un pays breton entre Loire et Vilaine. Blain: Pihern. 2010

Anonyme, Les bretons de Bretagne jugés par un breton de Paris, Revue de Bretagne, 1908 

Carte : Lambilly, 1706

Carte 1706, Lambilly

Carte 1706, Lambilly

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11 septembre 2015 5 11 /09 /septembre /2015 07:19

Organisation paysanne et rurale ayant existé pendant des siècles en Bretagne, la frairie permettait de créer du lien social et de la solidarité entre les fermes dans une région où l'habitat est dispersé.

Les membres d'une frairies se voyaient comme des parents d'une même famille et dans certains endroits ont se gratifiait du nom de « cousin-e » ou de « oncle/tante » pour les anciens.

 

« Les habitants d'une même frairie se considéraient comme frères»

(A. Marchand, Pont-Château pendant la révolution,1981)

 

Pour en savoir plus sur les frairies en général je vous repporte aux autres articles de ce blog sur le sujet, ou à l'exellente étude de Hubert Maheux (lisible en ligne).

 

Cette fois nous examineront une frairie en particulier pour avoir un exemple concret de leur organisation, cette frairie est celle de Château-Sé dans la commune de Plessé.

 

 

I. Dans la frairie :

La carte de Château-Sé (délimitée approximativement par les pointillés blancs, à partir des archives des délibérations municipales.)

(la carte est certainement incomplète notamment au sujet des puits et fours)

 

Villages :

La frairie s'étale sur environs 639 hectares et s'articule principalement autours de trois villages : Saint-Clair, Le Guignoux et La Souraudais. D'autres villages moins importants existent comme Tressé et Toulan.

 

Communs :

Ils sont de plusieurs sortes : puits, fours, champs et landes.

Les champs ouverts divisés en «lanières» (appelées "riyaj"), structure agraire assez typique de la Bretagne médiane et occidentale, pouvaient être le lieu de travaux en groupe.

Les landes se trouvaient autour du menhir dit de la pierre folle au nord-est de la frairies, cette lande était divisée en trois pour les trois villages principaux : lande du Guignoux, lande de Saint-Clair et lande de la Souraudais, chacune pouvant être exploitée par les habitants du dit village.

Les marais sont particulièrement nombreux et présentent aussi des lanières sur le cadastre, comme pour les landes leur nom réfère au village pouvant exploiter ses ressources : marais de Saint-Clair, marais du Guignoux,...

Chaque village possédait au moins un puit ou une fontaine commune.

Les terres communes furent un enjeu dans le Plessé du XIXème, les plesséens ont d'abord manifesté leur volonté de voir les communs indivisibles (les terrains « non enclos ») :

 

« les Biens communaux de cette paroisse restent et demeurent indivisibles entre tous les habitants de la dite commune » (délibération municipale)

(1789)

 

Cependant, comme ailleurs, ces pratiques ne résisteront pas au rouleau compresseur de la « rationalisation des terres », et tout au long du XIXème siècle on assiste à une aliénation de ces terrains et à leur enclosure par des particuliers. Une bonne partie de l'argent récolté par la mairie grace à ces ventes permettra la destruction de l'ancienne église et à la construction d'une nouvelle.

 

« Monsieur le Maire dépose sous les yeux du conseil municipal un projet d'expertise des terrains communaux dont la commune à depuis longtemps demendé la vente en faveur de l'Eglise de la paroisse de Plessé. » (délibération municipale)

 

Lieu de rassemblement :

Ces lieux étaient toujours situés sur un champ commun, pour Château-Sé il se trouvait en face de l'ancienne chapelle sur le pré connu comme « le champs de foire ». On s'y réunissait pour les fêtes.

 

 

Lieux religieux :

 

La chapelle aujourd'hui disparue de Saint-Clair construite au XIème sur l'ancien château de Sé. La croyance locale étant que ce saint, aurait prêché dans la commune. En réalité nous ne savons rien ou presque de serieux au sujet de Saint-Clair de Nantes et selon Quilgars il serait une « importation monastique » à la mode entre le X et le XIIème siècle, ce qui correspond d'ailleurs à la date de fondation de l'édifice.

La fontaine de Saint-Clair, joli endroit un peu oublié au bord de l'Isac, est une fontaine miraculeuse. Sans surprise pour un saint appelé "Clair", l'eau de la fontaine est réputée encore aujourd'hui soigner les yeux. Le village de Saint-Clair étant donc manifestement le centre de la frairie.

Le 10 octobre était l'occasion d'un rassemblement auprès de cette fontaine pour faire bénir les semences.

 

 

Chefs de frairies :

 

La frairie élisait un chef qui devait représenter la frairie pendant une année.

Il décidait de la date des semailles, des récoltes et de la vaine pâture (cf karrikell). 

Plusieurs chefs de Château-Sé ou en tout cas quelques personnages importants de cette dernière apparaissent dans les sources :  

1789 (Cahiers de doléances)   

Pierre Châtellier ( ?)  

Jean Roullet (1739-1806 marié à Marie Ramet)  

Thomas Lucas (?) 

 

1789-1806(Premier conseil municipal) 

Pierre Daniel (1737-1807, laboureur, marié à Julienne Plantard) 

Michel Davy (?) 

René Agasse (?) 

 

Souvent les premiers conseils municipaux bretons ont été constitués en réunissant les chefs des différentes frairies. C'était manifestement le cas pour Plessé.

 

 

 

II. "géopolitique" frériale :

 

 

Frairies et seigneuries :

 

« Le territoire de la frairie comportait généralement plusieurs écarts et ne correspondait jamais aux limites des fiefs seigneuriaux, ce qui pourrait bien attester une mise en place de cette division territoriale antérieurement à la féodalité »

(H. Maheux :)

 

Durant l'ancien régime les frairies devaient cohabiter avec les seigneuries, ces deux systèmes étaient indépendants l'un de l'autre comme le remarque H. Maheux. C'est aussi le cas de Château-Sé dont le territoire se situait entre deux seigneuries :

 

-Carheil :

Seigneurie à cheval entre Plessé et Guenrouët, les seigneurs de Carheil ont fait construire la chapelle de Saint-Clair et avait un droit sur le passage à gué de l'Isac. Le château de Carheil se trouvait un peu plus au sud à Plessé.

 

-Guiniou :

Ancienne seigneurie vassale qui devait avoir son château au lieu-dit « la Cour » au Guignoux, butte entourée de marais à l'ouest de la frairie de Château-Sé. Je n'ai trouvé que très peu d'informations sur cette dernière.

Les paysans de Château-Sé devaient donc composer entre les grolles (corbeaux) des Carheil et les chaouans (chouettes) des Guiniou et payer une dîme « de peu de chose » qui servait essentiellement à rénover la chapelle. Les cahiers de doléances de Plessé montrent que les seigneurs se permettaient de couper les arbres se situant sur les communs (même si ces derniers étaient souvent plantés par les paysans) les privant ainsi de leur droit d'affouage.

 

Château-Sé et les autres frairies :

 

Les frairies voisines sont : Saint-Gaudan en Fégréac, Tresnard Guély et Langle en Plessé, Trégreuc et le bourg en Guenrouët. Parfois certaines frairies étaient associées, mais je n'ai rien trouvé de tel pour Château-Sé.

 

Disparition :

 

Comme ailleurs en Bretagne, les frairies plesséennes ont peu à peu perdu leurs pouvoirs juridiques, et ne gardait plus à l'orée du XXème siècle qu'un caractère religieux. Seul les plus anciens (80-90 ans) en ont encore souvenirs, elles ont donc certainement disparu entre les deux guerres.

 

 

(merci aux époux Desbois)

Bocage plesséen.

Bocage plesséen.

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24 juillet 2015 5 24 /07 /juillet /2015 14:45

Nous verrons en étudiant les évolutions sociales touchant les femmes durant le second Moyen Âge (XIème-XVIème) celles qui ont concerné plus généralement le petit peuple, la masse de paysans et pêcheurs souvent occultés des livres d'Histoire. Nous parlerons dans cet article de servage, rébellions, peste, villes-libres et hérésies….

 

Dans le premier article de cette série nous avions vu le statut dont jouissaient les femmes dans le « marc'htiernat », système social essentiellement rural qui était en place durant l'époque du Royaume breton. Ce système, bien que patriarcal, permettait aux femmes libres d'avoir une indépendance financière vis-à-vis de leur mari, d'avoir un certains nombres de pouvoirs : juridique, politique ou encore religieux.

 

Après la parenthèse scandinave, la Bretagne est affaiblie et ne regagnera plus jamais le niveau d'indépendance qu'elle avait précédemment. Elle devient un duché et les changements culturels (cf article sur les langues) sociaux et religieux sont profonds.

 

Ce dernier sera le premier touché avec le démantèlement des "chrétientés celtiques" les femmes ne participent plus activement à la célébration de l'office dès avant l'an mil.

 

Le féodalisme, créateur de tensions sociales.

 

Jusqu'alors en marge du monde féodal, ce système s'impose alors en Bretagne et y instaure des bouleversements sociaux. Dans ce système les serfs sont dominés par des seigneurs, doivent travailler leur terres, effectuer des corvées très contraignantes et payer de nombreuses taxes et se battre pour eux.

La femme est sous l'autorité complète à la fois de son mari, de son père et de son seigneur.

Les tensions sont vives et fréquentes, par exemple autours de l’utilisation des bois et marais que les paysans considéraient comme des biens collectifs alors que les seigneurs en disputaient la propriété

exclusive. Les paysans qui « braconnent » sont sévèrement punis comme le montre cet acte :

 

Acte du gage de 50 livres déposé par Éon de la Roche-Bernard, curateur de Guillaume de Clisson, pour délivrer trois forestiers de son pupille, détenus par le duc comme coupables d'avoir chassé avec ses chiens dans la forêt d'Héric et tué l'un d'eux. (1298, 22 juillet)

Les femmes quant à elles perdent leurs droits (quand elles en avaient) d'hériter de la terre. Dans le duché, certains droits sont cependant reconnus aux femmes  comme celui de posséder des biens au sein du couple. En l'absence d'enfants, une femme veuve pouvait garder la moitié des biens acquis durant son mariage et l'autre moitié en usufruit, cette dernière part était perdu en cas de remariage.

 

Ces conditions sont difficilement supportables pour les paysans de l'Europe médiévale, qui se révolteront de nombreuses fois tout au long de ce second Moyen Âge. Rébellions rudement réprimées un peu partout.

 

Cependant nous n'avons pas trouvé d'exemple de rebélions de paysans en Bretagne alors qu'elles étaient intenses dans une large partie de l'Europe. Une des raisons est sans doute l'absence de deux impôts particulièrement détestés : la gabelle et la taille. Une autre raison pourrait être l'écart moins important entre noble et peuple, car il y avait de nombreux nobles dans le duché (9,6% de la population de Saint-Molf au XVème, la moyenne du duché était de 4,8%) mais des nobles souvent "pauvres" qui ne possèdent que très peu de terres (90 % des seigneureries font moins de 20 hectares). De plus la présence de frairies permettait une solidarité forte (notamment fiscale) entre les paysans.

 

(Cette carte ne montre que les seigneuries les plus importantes, mais comme des poupées russes chacune se découpe en plusieurs seigneuries vassales souvent minuscules, ainsi dans Fresnay nous avons Levrisac, Carheil, Longle, Guiniou, Lespinay, Lagodin, Boulay, Tréguel, ...)

 

Mais la menace de la révolte fera évoluer le système, les seigneurs auront recours à la monnaie pour payer certaines corvées. Nous assistons alors à une monétarisation de la société qui permettra à certains paysans d'acheter leur « sang » et d'embaucher à leur tour d'autre paysans. Évolution plutôt heureuse pour ces derniers, mais ce n'est pas le cas pour tous et ce système précipitera une large partie de la paysannerie dans une dette chronique creusant les différences sociales au sein même du monde paysans.

Les femmes sont particulièrement sujettes à la paupérisation pour les raisons cités ci-dessus (n'héritent pas, filles-mères rejetées,….).

À Carnac en 1475, 10 % des paysans sont aisés, 40 % vivent correctement, 30 % dans des conditions précaires et 20 % dans la misère. La moyenne de pauvres dans le duché au XVème est de 8,4% de la population mais les différences sont grandes entres les paroisses. Piriac donne 26% de sa population comme pauvre alors que la Saint-Molf voisine ne présente pas de pauvreté fiscale.

 

(Mais à quoi pense ce soldat breton sous son casque frappé de la croix noire ? La désertion était un vrai sport médiéval, en 1300 l'Angleterre dans une campagne contre l'Ecosse enrolle 16000 paysans en Juin, il en reste 7600 en Juillet et environs 3000 en août...)

 

 

Villes-libres :

 

Nombre de ces manants trouvent refuge dans les villes et les villes-libres. C'est à cette époque que sont créées ces dernières en leur conférant des avantages économiques (certains impôts et corvées n'y existent pas). La proportion de femmes y est ainsi généralement plus importante que la moyenne et elles y exercent toutes sorte de métiers dont certains peuvent nous sembler étonnants aujourd'hui (forgeronnes, bouchères, boulangères, brasseuses, …).

Le bourg du Gâvre était ainsi une ville-libre crée par le duc de Bretagne sur une trève de Plessé au début du XIIIème siècle, de nombreux privilèges sont accordés aux habitants.

La Brière pourrait peut être aussi rentrer dans cette catégorie car beaucoup de droits sont donnés à ses habitants par le duc en 1461 (droit de chasse, coupe de roseau, pêche,...).

Ces zones « détaxées » pouvaient servir de refuge ou de seconde chance aux plus miséreux.

Le système féodal étant moins oppressif ce phénomène reste modeste en Bretagne, cette dernière restera ainsi sous-urbanisée.

(Petites heures d'Anne de Bretagne, 1475)

 

Les « Éons ».

 

« le flot de ses partisans, que leur nombre rendait terrifiant, vaguait en divers lieux, s'acharnant surtout contre les églises et les monastères"

 

Plutôt que sur le pouvoir seigneurial, c'est donc contre le pouvoir religieux où nous avons trouvé des exemples de rebéllions dans nos contrées.

 

Le second Moyen Âge voit le retour de l’érémitisme et les mystiques en désaccord avec la réforme de l’Église sont nombreux à fuir la société et chercher la solitude dans les grandes forêts de l'est du duché.

 

Parallèlement, cette période voit l'apparition des mouvements millénaristes. Considérés comme des hérésies et violemment combattus par l’Église ils pullulent un peu partout en Europe. Selon eux, la fin du monde est proche... alors profitons-en. Leurs succès est dû à une doctrine qui permet le retour à une vie en communauté plus simple, avec moins d'inégalité.

Les rangs des hérésies sont grossis par les manants, paysans pauvres, femmes de « mauvaise vie » chassées par leur famille….

 

En Bretagne c'est un certain Éon de l'étoile (au début du XIIème) qui sera à la tête du mouvement le plus important, centré sur l'est de la Bretagne et principalement le diocèse de Saint-Malo. Ce dernier aurait interprété le passage d'une comète comme un signe divin (d'où son surnom). L'homme est noble et utilise son argent pour nourrir ses fidèles, le succès ne se fera pas attendre puisque nous somme en période de famine. De plus les éons gomment les différences sociales féodale en utilisant un autre système de titres comme « Sagesse » ou « Jugement ».

 

« mais qu'ils mettaient plutôt toute leur obstination à se glorifier de leurs faux titres, au point que celui qui se nommait « Jugement »/…./ ils préférèrent brûler plutôt que se corriger pour sauver leur vie" »

 

L’hérésie deviendra une source d'inquiétude parmi les autorités ecclésiastiques. Ces derniers interpréteront (paradoxalement à la manière d'Éon) le passage d'une comète à Nantes comme le signe de la fin de l'hérésie :

 

« C’est alors que nous vîmes avec toi une comète glissant sur sa lancée, tête la première, en direction de l’ouest, présage assuré, selon ta réflexion, de la ruine de l’hérésie qui se répandait alors en Armorique »

 

En fait plus qu'une comète, c'est surtout le procès et la condamnation d'Éon et l'envoi des fidèles au bûcher qui aura raison des "éons".

Mais les hérésies ne s’arrêteront pas là. En 1145 l'archevêque de Reims écrit un traité contre les hérétiques bretons qui « professent des théories à la fois anti-sacramentelles, anti-sacerdotales et anti-ecclésiales ». En 1206, presque un siècle après la mort d'Éon, le pape dénonce la persistance des hérésies dans le diocèses de Nantes, Saint-Malo et Rennes.

 

(Vilains et soldats regardent un duel)

 

Les aspects positifs de la peste noire...

 

Pour couronner le tout une épidémie de peste ravage l'Europe et le bassin méditerranéen. La Bretagne compte ainsi 1 million d'habitants en 1390, il en restera 850 000 après le passage de ce fléau en 1430.

Paradoxalement cette épidémie aura des effets positifs sur la paysannerie, car s'il y a autant de terres à travailler et moins de bras, le coup du travail augmente... Les paysans se sont donc retrouvés en position de force par rapport aux seigneurs et en droit de négocier.

Lorsqu'ils n'étaient pas satisfaits ils pouvaient toujours facilement aller trouver du travail ailleurs.

Cette situation sonnera le glas du servage et débouchera sur le XVème siècle que certains appellent « l'age d'or de la paysannerie ».

 

 

Les paysans-pêcheurs.

 

Nous avons beaucoup parlé des paysans mais la zone qui nous intéresse est aussi bordée par la mer et présente des activités différentes. Au Moyen Âge ont rencontre enfin les « paysans-pêcheurs » qui voient l’année divisée en deux périodes. La première reservée aux travaux agricoles et la seconde aux campagnes de pêche. Dans ces sociétés où les hommes sont absents une grande partie de l'année (s'ils ne sont pas morts en mer), les femmes ont eu forcément plus de responsabilités. C'est sans doute de l'organisation de ces ports de pêcheurs qu'est né le mythe du « matriarcat breton » durant le XXème siècle, en réalité on en était bien loin….

 

Conclusion :

 

En comparaison avec ses voisines la Bretagne est bien sage durant ce second Moyen Âge. Alors que les révoltes sont nombreuses à la fois contre le pouvoir politique et religieux ailleurs en Europe, nos paysans bretons n’ont exprimé leur mécontentement qu’à travers le braconnage et les mouvements hérétiques. Un système féodal « light » en est certainement la cause.

Quant aux femmes, il serait tentant de comparer leur sort à celui du premier Moyen-Age et de montrer une perte de droit dans toutes les sphères (politique, juridique et religieux), c’est peut être le cas mais ces deux sociétés permettent-elles vraiment la comparaison ? À quoi comparer une femme libre du cartulaire de Redon ? Une métayère ? Une paysanne libre ? Une noble ? La vie de la paysannerie de ce second Moyen-Âge est beaucoup plus proche de celle de la paysannerie de l’époque moderne que celle du premier Moyen-Âge. La période vue dans cette article est une époque de changements profonds.

 

 

 

Bibliographie :

 

Federici Silvia, Caliban and the witch, Autonomedia, Brooklyn 2004.

Alain Gallicé,  Guérande au Moyen Âge. PUR, Rennes, 2003

Chédeville André-Tonnerre Noël-Yves, La Bretagne féodale XI-XIIIè siècle. Ouest-France, 1987

Bounoure Gilles, L'archevêque, l'hérétique et la comète, revue Médiévales, 1988

Éon de l'étoile.

Ruines du château de Lorieuc en Crossac

Ruines du château de Lorieuc en Crossac

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14 mai 2015 4 14 /05 /mai /2015 07:58

Après avoir vu dans une première partie quelle était la place sociale des femmes durant le premier Moyen-Age et l'évolution de cette dernière en passant du « marc'htiernat » au « féodalisme » () nous nous intéresserons à l'anthroponymie féminine bretonne médiévale.

 

L'anthroponymie féminine bretonne de l'époque est formée de la même manière que celle des hommes à savoir souvent en assemblant deux éléments, qui semblent parfois transmissibles, (cf article)

Nous reprenons dans le tableau ci-dessous les femmes étudiées dans l'article précédent en décomposant cette fois leurs prénoms.

 

 

 

Champs lexicaux dans l'anthroponymie féminine :

 

 

Certains champs lexicaux et termes reviennent souvent, c'est particulièrement le cas du mot vieux-breton « winn » ( breton moderne : gwenn= blanc), mais aussi « dreh » (aspect ), « uuokon » (puissance, gloire), «ken » (beau), ainsi que le lexique des métaux (aour = or, argant=argent). Cependant ces derniers peuvent aussi très bien se retrouver dans l'anthroponymie masculine.

 

Plus surprenant peut être, parfois l'anthroponymie féminine est guerrière : Morliwet (grande+armée), les noms bretons ne font cependant pas exception à l'époque car les anthroponymes germaniques féminin, très populaires dans une grande partie de l'Europe, comportaient aussi souvent des éléments guerriers(« Aginhilt » à Lusanger près de Châteaubriant dont le prénom est formé de « Agin »= tranchant d'épée et de « hilt » =combat).

 

Ce qui est plus étonnant peut-être c'est la présence de prénoms rappelant la religion pré-chrétienne comme Catboduu (corneille du combat): ce prénom rappelle la déesse corneille de la guerre bien attestée dans le domaine celtique dès l'Antiquité ( Attestation épigraphique de Mieussy en gaulois : Cathebodua, puis dans les mythes irlandais).

 

 

Hors des Cartulaires :

 

Toponymie :

 

Encore une fois, l'anthroponymie féminine est bien plus rare que la masculine. Mais des prénoms féminins apparaissent parfois dans les noms de lieux, et nous avions déjà cité l'hypothèse d'Erwan Vallérie qui voit dans le Treffegan de Marsac-sur-Don un *Trevegan (Village de Megan), Megan étant une forme bretonne pour Marguerite.

 

Matronymes :

 

Un certains nombres de noms de famille bretons, sont en fait étymologiquement des matronymes. Par exemple le nom « Le Maguérès » signifie « la nourrice »(cf Jehan Le Magueres de Guérande relevé par B. Luçon ADLA B 1484), Gouiffès est la forme féminine de « gwiv », l'agile... Le pays nantais n'est pas en reste et le nom de famille Anézo, très répendu dans certaines zones du département (secteur de Saint-Molf) est aussi un matronyme (forme bretonne d'Agnès avec un diminutif : Anezoù), citons quelques exemples historiques comme Azelice Guennes (Le Croisic 1514), le nom de cette femme est formé de Gwenn (blanc) et du suffixe féminin -ez (source: B. Luçon) . Les matronymes posent la question de la diffusion de ces noms dans une société patriarcale, il semble que deux cas de figure aient été possibles : celui d'une femme seule (veuve, célibataire,..) et dont les enfants prenaient le nom, ou alors celui d'une femme ayant un statut social plus élevé que son mari. Les matronymes existent ailleurs, ils sont ainsi nombreux en Normandie (plus d'info ).

 

 

Bibliographie :

 

Fleuriot L., A Dictionary of Old Breton, Toronto, 1985

Fleuriot L., Le Vieux Breton : éléments d'une grammaire, Paris, C. Klincksieck, 1964

Tanguy B., Les noms d'hommes et de lieux, DVD Cartulaire de Redon. 2005

Dabo Y. Le système anthroponymique vieux-breton, mémoire.

Vallérie E. Diazezoù studi istorel an anvioù-parrez, An Here, 1995

Ní Bhrolcháin M, An introduction to early Irish literature, Dublin, 2009

 

http://www.cn-telma.fr

Enluminure du cartulaire de Landévennec

Enluminure du cartulaire de Landévennec

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28 mars 2015 6 28 /03 /mars /2015 19:41

Nouvelle serie sur le blog Mitaw, nous parlerons cette fois de la place des femmes dans la société entre Loire et Vilaine à différentes époques et sous différents angles.

Ce premier article traitera de l'époque médiévale et de ce que le cartulaire de Redon, source innévitable pour la zone qui nous intéresse, nous apprend sur cette longue période et des évolutions qui ont été remarquées par les spécialistes (ici par André Chédeville).

 

  1. Haut Moyen-Age :

Nous commençont notre voyage juridique au haut Moyen-Age donc, autours du IX, et X principalement. Même si les sources sont rares, le cartulaire de Redon nous donne quelques rares indices et exemples du rôle qu'avaient les femmes à cette époque et résèrve même quelques surprises.

 

Pouvoir politique :

Aourken, en 872 porte le titre de Mac'htiern (à Carentoir) : « et commendavit Salomon Aourken tirannisse » titre important dans la Bretagne alto-médiévale et que l'on peu traduire par « chef gageur ». Ce dernier (ou du coup manifestement parfois cette dernière) exerce le rôle de juge et prononce les sentences lors d'un conflit. Il contrôle un ou plusieurs « plou » (paroisse bretonne médiévale). Le mari d'Aourken était aussi mac'htiern.

À noter cependant que le cas d'Aourken est unique dans le cartulaire de Redon, si la charge de mac'htiern ne devait pas être interdite aux femmes, ces cas devaient être rares.

 

Pouvoir économique :

Plus que femme ou homme, les différences économiques semblaient dépendre aussi du fait d'être un Homme libre ou non et à quel degré. Les femmes libres, comme les hommes, pouvaient posséder des biens et les vendre sans avoir besoin du consentement de leur mari.

C'est le cas par exemple de Roiantdreh qui vendit des biens au roi Salomon de Bretagne. Le minic'hi de Wakamoe en Bains de Bretagne est vendu par une femme : Cleroc.

Dans le pays Nantais, dans une zone manifestement mixte, Winnanau vend une vigne à son fils Unrog pour 150 sous.

À Caro le couple Gredcanham et Wiuhoiam vend une terre, il est précisé que les deux tiers de la vente reviennent à Gredcanham et le dernier tiers à sa femme prouvant sans doute une certaine autonomie économique de la femme dans le couple.

En plus de sa dot, le mari doit donner à sa femme l'enepwert (le prix du visage) la veille du marriage. Ces possessions resteront la propriété de cette dernière.

 

Pouvoir juridique :

Des femmes apparaissent parfois aussi comme témoins aux affaires juridiques comme Riscomnit  à Saint-Nicolas de Redon.

 

Pouvoir religieux:

Il peut être de deux sortes.

  • Rôle dans le christianisme. Une grande partie des religieux de la Bretagne durant le premier Moyen Age suivent la règle irlandaise de saint Colomban, c'est ce que certains appellent le «christianisme celtique». Les femmes peuvent prendre part à l'ofice religieuse. Ce sont les diaconesses. Ces pratiques sont rapidement critiquées par l'Eglise comme le montre ces citations de trois évêques de l'ouest de la Gaule au VIème siècle qui critiquent les pratiques bretonnes :

«on rapporte que vous célébrez la messe avec des femmes appelées « Conhospitae », dont vous admettez la présence au sacrifice divin»

«En accord donc avec les statuts des Pères, nous prescrivons à votre charité non seulement que ces minables sortes de femmes ne polluent plus les divins sacrements»

  • Rôle parachrétien. Même s'il est discret dans les sources car ces dernières sont écrites par des religieux. Mais il y a fort à parier que certaines femmes devaient avoir un rôle religieux important localement, comme voyante, sorcière ou dormeuse comme ce fut le cas par la suite.

 

 

 

2. En zone romane :

Le cartulaire traite deux zones culturelles, la première est la zone alors bretonnante qui nous intéresse, mais aussi la zone romane plus à l'est (dans les alentours directs des villes de Nantes et de Rennes et l'extrème est du royaume de Bretagne). La place des femmes diffère entre les deux zones, dans les espaces de langues romanes ces dernières apparaissent encore plus rarement et n'ont de rôle que lorsque leur mari est décédé ou avec le consentement de ce dernier (sauf un cas). "Godildis, et filius meus Guntarius, cum concensu mariti mei Permig" (Godildis et son fils Guntarius, avec le consentement de l'époux de Godildis, Permig)

 

En conclusion, nous somme dans une société patriarcale, cependant la femme Bretonne bretonnante du haut moyen-age semble jouir de plus de droits que son homologue de langue romane.

 

3. Moyen-Age central :

Avec la féodalité, les particularités sociales « bretonnes » s'estompent et le « mac'htiernat » disparaît, le royaume devient duché et les institutions se « francisent », le changement linguistique est amorcé (cf article). Le cartulaire de Redon ne montre plus de femmes comme Roiantdreh, Cleroc, Winnanau, Riscomnit ou encore Aourken. Le statut de la femme entre Loire et Vilaine devient le même que celui qui était dans l'extrème est du royaume de Bretagne et dans le reste du monde féodal.

 

 

Bibliographie :

Chédeville André, Cartulaire de Redon, Société et économie. Dvd Cartulaire de Redon

Cassard Jean-Christophe, La femme bretonne au haut Moyen Âge, Annales de Bretagnes et des pays de l'Ouest, v93, 1986. (disponible en ligne)

http://www.cn-telma.fr/

(photo : troupe Letavia)

Femmes entre Loire et Vilaine. I (Statut de la femme au Moyen-Age)
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21 septembre 2014 7 21 /09 /septembre /2014 14:28

Article un peu spécial aujourd'hui et un peu plus léger (quoique) pour oublier les stress de la rentrée nous allons nous pencher sur quelques boissons autrefois consommées et devenues aujourd’hui rares, c'est bien dommage puisque ces dernières sont généralement simples, économiques et ont pour bases des plantes et des fruits courants.

 

À consommer avec modération.

 

Vin de feuilles de noix : (faire en Août)

 

(pour 5 litres)

 

150g de feuilles

1L d'eau de vie

4l de vin rouge (vin corsé)

1kg de sucre


Laisser macérer 1 mois dans un bocal sombre, remuer de temps en temps.

 

Vin de noix : (faire en Juin/juillet)

 

20 noix vertes

1l d'alcool

10l de vin rouge

2kg de sucre

 

Laisser macérer 1 mois dans un bocal sombre, remuer de temps en temps.

 

 

 

Chamillart : (aussi appelé chouchen ou cidre d'avette). Alcool de miel

 

Dans la mémoire des anciens cet alcool est souvent associé à la seconde guerre mondiale, pénuries aidant, les gens étaient plus nombreux à en fabriquer dans les campagne.

 

Traduction d'une recette en breton de 1913 (texte en v.o).

 

« Prenez un fût pouvant contenir de quoi faire 100 bouteille et mettez-y 25 bouteilles de miel, c'est à dire environ 75 livres, rajoutez y environs 74 bouteilles d'eau claire. Le fût ne doit pas être rempli à ras-bord.
Mettez ensuite 50 grammes d'acide tartrique et 10 grammes de bismuth. Vous trouverez cela chez l’apothicaire*.
( *il semble que ces produits peuvent être remplacés par du cidre ou du vin)
Prenez ensuite 50 gramme de pollen que vous aurez dissous dans un peu d'eau.
Une fois bien infusé, changez de fût et mélangez bien. Après cela recouvrez le tonneau d'un linge humide recouvert de sable.
Lorsque vous n'entendez plus le chouchen faire "floup floup", vous pouvez enlever le sable et refermer le tonneau.
Il faut ensuite attendre environs cinq ou six mois avant que le chouchen ne soit prêt.
Il ne faut jamais mettre de vinaigre là où l'on fait le chouchen.
Une fois en bouteille il ne faut pas mettre les bouteilles de côté au début car elles pourraient se fen
dre. »

 

 

Frênette : Alcool de feuille de frêne.

 

Il n'est pas difficile de trouver la recette sur le net.

 

 

La Cend' de gris : (à ne pas faire!)

 

En pays gallo ont rajoutait parfois un mélange appelé la « cend' de gris » dans le cidre pour rendre les gens « fous ». En gallo « cend' de gris » signife « cendre de charbon », ce mystérieux mélange était censé provoquer des hallucinations. Comment de la cendre pouvait-elle rendre fou ? La réponse est en Basse-Bretagne où les bretonnants du sud ont emprunté le mot gallo, et la « Cend' de gris » est devenue « Señdegri » ou encore « Jeñdegri » qui désigne la... datura, une plante hautement hallucinogène (potentiellement mortelle). Cette « cend' de gris » explique pas mal d'histoires de lutins « en revenant du bal ».

 

 

Boissons
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1 avril 2013 1 01 /04 /avril /2013 14:58

 

Le patrimoine oral à parfois des intérêts inattendus, depuis quelques années en Bretagne et dans le monde naît la volontée de mettre en valeur et de recueillir l'usage traditionnel des plantes. C'est l'ethnobotanique, l'ensemble des relations entre l'Homme et les plantes qui l'entourent.

Santé, constructions, divertissements, magie, musique.... les usages sont bien sûr infinis. Et il est important de les collecter avant qu'ils ne tombent dans l'oubli. Surtout quand certains de ces savoirs s'avèrent efficaces. Par chance c'est une des matières les plus simples à collecter. Voici quelques exemples de médication par les plantes et de quelques uns de leurs usages connus dans le secteur de Plessé/Guenrouët, en usage au moins jusque dans les années 60.

Bien-sûr, comme d'habitude, n'hésitez pas à partager vos connaissances.

Les informations nouvelles seront mises au fur à mesure.

 

(édition : lorsque suivi d'un "S" il s'agit des résultats d'un collectage à Soulvache)

 

Les propriétés des plantes ci-dessous sont avérées (1) :

 

 

Orties :

Urtica

 

Les orties fraiches et « jeune » (au printemps) se mangent en soupe.

En décoction elles stimuleraient la pousse des cheveux.

Toujours en décoction sur le potager elle permettent d'éloigner les pucerons.

Avant de planter des plants de tomates, par exemple, des orties fraichements coupées sont introduites dans les trous.

Enfin, autrefois on utilisait des branches d'orties fraiches contre les rhumatismes (flagellations)

 

 

Nombril de Vénus ( gallo: Potè ) :

Umbilicus rupestris

 

Le nombril de vénus se mange. Son usage médicinal ne semble pas connus dans cette zone (?)

 

 

Plantain (gallo ~ Senqo)

Plantago lanceolata

 

Utilisation médicinale contre les piqûres d'orties ou d'insectes. Juste après la piqûre prendre une feuille de plantain, la déchirer, et la frotter sur l'endroit touché.

 

 

Chélidoine (herbe à verrues)

Chelidonium majus

 

Elles poussent sur les murs, le lait de cette plante soigne les verrues. Mais attention à ne pas le boire !

 

Thym sauvage; S.: Frais en infusion est bon pour les intestins

 

----

Fougère de murs (?) :

 

Ses racines se sucent et sont gorgées d'eau.

 

DSC_1140.JPG

(nombrils de Vénus / Potè)

 

Ces premiers exemples semblent issus de connaissances empiriques. En revanche ce qui suit semble plutôt tenir de la magie :

 

Les « vers ».

Dans les départements de Loire-Atlantique et du Morbihan il existe une crainte (encore bien vivante) assez bizarre contre des « vers » qui vivraient dans le corps (surtout des enfants) et seraient vivifiés par les pleines lunes. On leurs attribue toutes sortes de maux (du mauvais rêve au mal de tête). Contre cela, les jours à risque, on mettait des colliers d'ails aux enfants. On pouvait aussi mettre l'enfant pieds nus sur la pierre en granit du seuil (cherdru) de la maison, cela faisait « déscendre les vers » (vécu dans les années 60)

 

 

Plantes protecrices sur maisons et écuries.

Le faux houx (gallo : fragonette, frigonasse):

Se pend dans les écuries (tài) pour que les bêtes ne tombent pas malades.

Le gui a le même usage, on l'accrochait aussi aux portes vers Noël, pour porter chance.

La cendre de la buche de Noël (buche énorme qui devait brûler toute la nuit de Noël) était jetée dans le foyer pour prévenir de la foudre (S)

 

Autres :

La "cendre de gris" (braise), lorsque mise dans le cidre rendait les gens fous

Le sapin étant rare en Bretagne, un jeune houx servait d'arbre de Noël (Plessé)

 

 

Le lapin la fièvre et les convulsions :

 

Ici pas de plante, donc « hors sujet », mais la pratique est si bizarre que je ne résiste pas à la partager. Toujours dans le même secteur, lorsqu'un bébé était pris de forte fièvre avec convulsions on dépiautait un lapin et l'on enveloppait l'enfant dans la peau fraichement coupée.

Cette pratique semble (à mon humble avis) se rattacher aux rituels généralement bizarres contre l'épilepsie (le hao-ma  en gallo) qui était compris comme une sorte de possession.


(S) : Même procédé contre la pneumonie à Soulvache, le lapin était dépiauté vivant, on l'appliquait côté peau sur les enfants commes les adultes.

 

(S) : Certaines personnes étaient connues pour leurs connaissances botaniques comme à Soulvache où une vielle femme qui vivait isolée était connue pour ses onguents. Ces pratiques lui ont valu une réputation de sorcière selon certains.

 

1) Gérard Debuigne et François Couplan, Petit Larousse des Plantes Médicinales, Larousse 2009

 

En savoir plus :

La Liett

Flora Armorica

 

Lamour Pascal, La medecine populaire a Sarzeau, histoire des plantes dans la presqu'île de Rhuys, imprimerie générale, Bannalec 1984

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23 janvier 2013 3 23 /01 /janvier /2013 18:53

 

Domestiques ou sauvages, nous partageons nos vies et notre environnement avec les animaux. Les noms de lieux servants dans la plupart des cas à décrire le dit lieu, il n'est pas étonnant que ces bestioles y apparaissent.

A la pure description s'ajoute la dimension culturelle, des « réputations » bonnes ou mauvaises suivent certains animaux....

 

Il y a enfin comme pour toujours en toponymie de nombreux pièges, en parlant des animaux, l'un des pièges toponymiques les plus courants dans le département est l'élément breton « bran » que l'on rencontre dans de nombreux de noms de lieux (Brangouin, Branru, Brandu, Bran, Brand...). Ces toponymes sont souvent compris comme venant du breton « bran » (corbeau), en réalité c'est un terme breton homophone signifiant « colline ».

Il peux aussi avoir des toponymes transformés par une étymologie populaire.

Bref, je ne suis pas non plus à l'abri de ces pièges, l'article est bien sûr ouvert à la critique.

 

("le chien hanné" à Avessac)

 

 

 

Allons donc voir ces animaux figés dans les noms de lieux ! Ah oui j'oubliais il y a un gros mot pour ça : la « zootoponymie » (les noms de lieux d'animaux en gréco-académicien)

 

 

Cerfs et biches :

 

Voilà une « beste noble » ! A part les malheureux élans disparus d'Europe de l'ouest durant le début du moyen-age laissant quelques toponymes gaulois derrière eux, les autres cervidés sont encore bien fréquents à la fois dans nos forêts et sur nos panneaux routiers :

 

_Le parc aux cerfs (Avessac) : « parc » est sans doute à comprendre ici au sens de « champ ».

_Tertre a la biche (Blain)

_Le saut du chevreuil (Masserac): Les dérivés verbaux sont courants avec les animaux, et leurs sens obscurs, le saut du chevreuil désigne peut être en réalité simplement un petit ruisseau pouvant être enjambé par un chevreuil.

_La Ville au Carou (Férel) : Souvent, les « ville X » sont des romanisations de toponymes bretons plus anciens en « kêr », le second élément reste car il n'était plus compris. C'est peut être le cas ici avec l'élément « Carou », peut être simplement un nom d'homme, mais peut être aussi du breton « karv » (cerf).

 

 

Les bêtes à plumes et à becs :

 

Allez un faux ami pour commencer :

 

_Kerbiquette: le breton ne semble pas si compliqué avec ce genre de noms de lieux !! Et pourtant... rien à voir avec nos pauvres biquettes ici, il s'agit de Kêrbiged, le village aux pies!

_Kerbiquet(Saint Molf) : Même chose, avec une orthographe moins trompeuse.

-Le bois à la pie (Plessé)

L'Hotel à l'oie (Derval)

_Le Chat-Huant (Le Dresny): Le « Chat-Huant » est une francisation du gallo « chohon » qui vient du gaulois « cauanos » (chouette) que l'on retrouve en breton « kohann »/ « kaouenn ». C'est un animal nocturne et de très mauvaise fréquentation dans la mythologie populaire, il va souvent de pair avec la mort qu'il annonce !

_Escoublac : Scoubl dans les langues celtiques anciennes désignait le milan, Escoublac est donc le « lieu aux milans »

_Kescoul  (Guérande) : Pas très loin de la Baule justement, on retrouve le même mot, modernisé. Kêrskoul, le village aux milans.

_Le pigeon blanc : Le voyageur curieux a du tomber maintes fois sur ces pigeons de toutes les couleurs, il s'agissait en réalité d'auberges, haltes aux voyageurs. A Lanvallay une auberge fut ainsi nommée le « pigeon vert » puisqu'un client corsaire offrit un perroquet aux propriétaires.

_Le pigeon frais (Guérande). Même chose mais en plus « frais ».

 

 

chat-huan.JPG

 

Chats et chiens :

 

_Le chat troussé (Missillac)

_Le chien hanné (Avessac): Nom curieux, « hann » est le mot gallo pour pantalon. Le chien hanné est donc un chien portant un pantalon. Un nom absurde qui irait bien à une auberge !

 

Bovidés :

 

Très courants aussi !

 

_Penbu (Massérac) (juste en face de la grée du veau) : peut être un toponyme breton semblable aux formes anciennes de Paimboeuf (en parti francisé par la suite), et signifiant « tête de boeuf » (Penn-bu)

_Fontaine aux veaux (Trélan en Plessé)

_Le rocher à la vache (Sévérac)

_Le rocher du veau : Le mot « veaux » à parfois été confondu avec « vaux » (vallée)

 

 

Equidés :

 

_Penazin : (Guenrouët) Du breton "penn" (tête) et peut être du mot "azen" (âne), la "tête d'âne" donc, selon Hervé Tremblay. Forme ancienne Penazen (1558)

_Boudazin :( Bouvron) : Peut être du breton Bod-azen, le buisson de l'âne.

_Tremar : (Plessé) Selon le B: Tanguy du breton "tre" (village) et "marc'h" (cheval), Marc'h peux aussi être un nom d'homme.

 

 

 

Loups et renards :

 

Les loups on disparus de nos contrées il y a maintenant plus d'un siècle. La Bretagne,le Poitou et plus largement le bocage était l'une des zones les plus habitées par le loup en Europe de l'Ouest. Pour le pays nantais c'est Plessé qui fait figure de nid à loups, M Cocaud de Painfau dans une séance de l'administration municipale du canton de St Nicolas de Redon : "Les loups font de si grands ravages dans le canton, principalement dans la commune de Plessé qui renferme une étendue de bois considérable..."

Selon certains spécialistes son retour pourrait être dans seulement quelques décennies. En attendant de pouvoir réentendre leurs hurlements dans le bocage, c'est sans doute l'espèce la plus présente dans les noms de lieux :

 

_Le Port au loups (Plessé)

_La cour aux loups (Herbignac)

_La pierre aux loups (Missillac)

_Le pont au loup (plessé)

_La Ville és Blais (pornichet) : Ici le « kêr » a été traduit en gallo par « ville ès », le second élément n'était plus compris, et vient du breton « bleiz » (loup), il peut aussi s'agir d'un nom d'homme, le patronyme « LeBlaye » (le loup) et dérivés sont assez courants en Loire Atlantique.

_Ville au Blais (Saint André des eaux)

 

_La Goupillière (Cambon): voilà notre renard et son nom roman ancien « goupil », le mot renard se popularisera avec le « roman de renard ». Ici aussi il peut s'agir d'un nom d'homme.

_La pièce à goupil (Plessé)

 

Insectes et vers:

Parce qu'ils faut les aimer aussi:

 

_Les Merions(Guémené-Penfao) : Peut être formé à partir du mot breton « merion » (fourmis) à moins qu'il ne s'agisse d'un nom d'homme.

Merionnec (Guérande) : Formé à partir du breton « merion » (fourmis), merionnec le lieu aux fourmis, la fourmilière. La société de ces petites bêtes étaient vue comme un exemple de perfection sociale, d'organisation et de labeur... beurk!

_Beguenette (Plessé) : Peut être un rapport avec nos amis les lombrics « beghen » en gallo.

 

 

Autres:

 

_La grenouillère (Fégréac): une grenouillère indiquait un marécage. Sans surprise.

_Bouvron : Cette commune tire son nom d'animaux devenus rares dans le département (il ne reste que quelques familles): le castor. Bouvron vient du gaulois bebro (castor).

 

 

Animaux imaginaires :

 

_Le pont de la miterne (ile de Mazin ) / Pièce de la miterne (Saint Gildas des bois)  :  Les miternes sont des animaux imaginaires, on les retrouve surtout dans le Morbihan, voici une description,  en breton dans le texte (redek ar lerc'h miterned, p304 etrezomp e brezhoneg) :

 

"... ar miterned-se a veze komzet anezhe èl a pa vehent bet den, ha den ne oant ket, èl evn, hag evn ne oant ket, èl loen, ha loen ne oant ket nemet un dra bennak ag an tri....reve meur a gredenn, an hanioù misterius se o doa beli àr an amzer àr an hadaj, àr an eost àr ar leoned ha me oar me !..."

 

Traduction : ces miternes on en parlait comme si elles étaient humaines,  mais elles ne sont pas humaines, comme des oiseaux, mais elle ne sont pas oiseaux, comme des animaux mais elles ne sont pas des animaux, quelques chose qui tient des trois.... selon plusieurs croyances, ces êtres mysterieux contrôlaient le temp, les céréales, la moisson, les animaux ect ...!

 

A cela s'ajoute un autre aspect, ce genre de croyance ont ainsi dût finir au second-degré, puisque dans beaucoup d'endroits, la miterne est devenue une sorte de dahut (que l'on nomme "darin" ou "hobreù" en Loire Atlantique), et "redek àr lerc'h ar miterned" (courir après les miternes) c'est être bon à croire n'importe quoi....

 

Une cousine normande : la piterne.

 

545px-Blason_bouvron.svg.png

(Le riant blason de Bouvron et ses deux castors !)

 

 

En savoir plus :

 

Gendron Stéphane, Animaux et noms de lieux, éditions errance, 2010.


Tremblay Hervé, Noms de lieux et itinéraires anciens en Loire Atlantique, Goubault imprimeur, 1996

 

 

Et les sages remarques de "Ar Barzh" (surtout pour les toponymes bretons) !

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