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23 mars 2015 1 23 /03 /mars /2015 11:03

Du passage du breton au roman dans le nœud fluvial entre Don/ Isac / Chère.

 

C'est régulièrement que nous nous penchons sur cette zone et aussi régulièrement que nous la mentionnons à travers les langues qui y sont parlées ou qui y ont été parlées. Nous avons vu que cet endroit était à l'origine de langue bretonne et qu'il est aujourd’hui de langue gallaise. Bien.

Mais bien avant les écoles, la télé ect … par quel processus un pays peut-il changer de langue ?

Il s'agit d'un changement culturel important et qui a du toucher en profondeur la société d'alors et malheureusement les sources sont rares.

Mais heureusement certains spécialistes proposent des pistes, comme Bernard Tanguy dans son article (lien) c'est à partir de son raisonnement qu'est construit l'article suivant.

 

 

Un peu de géographie :

 

La zone qui nous intéresse répond à deux particularités, elle forme d'abord un nœud fluvial autour de l'Isac du Don et de la Chère, de leurs affluents et de la Vilaine au Nord permettant la circulation des gens, des biens et des idées. Elle est coupée au sud-est par la forêt du Gâvre et au sud-ouest par les marais.

 

( le nœud fluvial  Don/ Isac / Chère avec Redon en rouge)

 

Cette zone fluviale se rattache au nœud fluvial plus important qui a Redon pour centre. C'était, depuis la fondation de l'abbaye par Conwoïon, un carrefour religieux, politique et économique très important dans la Bretagne médiévale.

 

Elle est ensuite éloignée à la fois de la sphère d'influence de Nantes et de Rennes, ces dernières étaient les épicentres de la langue romane en Bretagne. Notre zone était alors le ventre du S que dessinait la limite de la langue bretonne.

(en vert la zone de langue bretonne au haut Moyen Age, Carte geobreizh)

 

 

Bernard Tanguy (p 451)

"Si l'on note, d'autre part, que les affluents de la rive gauche de la Vilaine, situés en aval, sont donnés comme navigables, la Chère sur 5 km, le Don sur 9 km, l'Isac sur 13 km, on comprend mieux encore l'incurvation de la limite des noms en -ac dans ce secteur. on conçoit aisément que l'action de la romanisation se soit heurtée à une zone de conservatisme s'appuyant sur un réseau navigable dont les documents s'accorderont au Moyen Âge à souligner le rôle économique prépondérant."

 

 

Etape 1 : une zone conservatrice (premier Moyen Âge).

 

Sans doute du fait de son éloignement des deux grandes cités Nantes/Rennes, la langue celtique s'y maintient face au roman contrairement aux zones plus à l'est où elle disparaîtra manifestement durant la fin de l'Antiquité.

Comme nous l'avons vu dans d'autres articles (,, et ) l’anthroponymie, les documents de l'époque ainsi que la toponymie montrent alors une contrée bretonnante, même si le bilinguisme ne devait pas être rare.

Au haut Moyen Âge les relations entre les deux langues sont parfois tendues et provoquent des désordres politiques dans cette zone comme le montre l'histoire de l'éphémère évêché de Guérande au IXème siècle :

 

« Puis Gislard, que le roi Nominoé avait institué comme évêque de Nantes, quitta cette cité et trouva refuge, sous le pouvoir des bretons, à la cour de Quiriac (qui par ces mêmes bretons qui y habitent est maintenant appelée Guérande , mais qui auparavant était du ressort des évêques de Nantes). Là, se constituant en siège par usurpation, Gislard sépara du diocèse de Nantes toutes les paroisses nantaises de la région allant depuis le fleuve Erdre, jusqu'à la Vilaine et au Semnon et se l'appropria tant qu'il fut de ce monde »

(traduction du latin par Erwan Vallerie)

La zone décrite dans cet extrait correspond bien avec la zone bretonnante du pays nantais de l'époque (comparez avec la carte plus haut).

 

 

Etape 2: Victoire du roman (second Moyen Âge).

 

Le basculement du breton au roman aura cependant lieu dans la ville de Redon quatre ou cinq siècles plus tard, aux environs du XII-XIIIème siècle, sans doute pour des raisons politiques (l'élite du duché devient alors francophone). Or cette ville, comme nous l'avons vu est la clé de voûte culturelle et économique de cette zone, cet événement aura pour conséquence l'ouverture inéluctable au roman de toute la zone à la fois vers le comté de Nantes par le Don, l'Isac et la Chère et vers le comté de Vannes par l'Oust et l'Arz.

Le processus ici encore, ne se fit certainement pas au cours d'une vie humaine mais s'étala sur plusieurs générations et concerna sans doute d'abord les commerçants et l'élite. Et la progression se fit manifestement d'est en ouest avec peut-être quelques poches de résistance comme à Drefféac qui présente un fort pourcentage de toponymie bretonne par rapport aux communes voisines, ce qui pourrait être le signe du maintien de cette dernière un peu plus longtemps qu'ailleurs.

 

La différence de statut entre les deux langues peut être mise en évidence notamment par le lexique de ces dernières, le breton à largement emprunté aux français alors vue comme une langue de prestige, alors qu'au contraire le gallo de cette zone ne présente que très peu de mots d'origine bretonne.

 

 

Wild wild west :

 

Une fois cette zone autours de Redon devenue gallaisante, la frontière entre la langue gallaise et bretonne en pays nantais se stabilisa dans les marais de la Brière et ce durablement, puisque ce fut le cas jusqu’à l'époque contemporaine.

 

Bibliographie

Tanguy Bernard, La limite linguistique dans la péninsule armoricaine à l'époque de l'émigration bretonne (IVe-Ve siècle) d'après les données toponymiques, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest , v 87

Mathelier Yves, Le Guérandais, mémoire

Tanguy Bernard, Recherches autour de la limite des noms en "-ac" en Haute-Bretagne, Tome II, Thèse. 1973

 

Au bord de l'Isac à Guenrouët

Au bord de l'Isac à Guenrouët

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