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20 mai 2015 3 20 /05 /mai /2015 11:07

Nous avions vu dans un précédent article les croyances autours de la ferme et du « génie domestique », nous sortirons cette fois du domaine domestique pour nous pencher sur une vielle marotte : le carrefour. Encore aujourd'hui, le nombre d'entre-eux pourvus d'une croix est impressionnant et comme nous le verrons ces lieux reviennent constamment dans les légendes et croyances. Mais pourquoi ?!

 

1) Antiquité

 

Le culte des carrefours est ancien et se retrouve dès l’Antiquité dans de nombreuses cultures et ce dernier semble intimement lié à la croyance aux génies familiers et tutélaires (cf article). Ainsi dans la Rome antique, on rendait hommage aux Lares (divinités tutélaires représentant les ancêtres mythiques de la famille) aux carrefours, on fabriquait des « niches » à ces endroits où étaient représentées ces divinités. En les adorant et en leurs faisant des sacrifices ont mettait tout le quartier sous leur protection.

Malheureusement, faute d'écrits, les traces sont rares en Gaules. Ce sont les archéologues qui pourront nous éclairer sur cette époque. (nous connaissons cependant le nom gaulois du carrefour : petromantalon).

Si ces lieux étaient vénérés c'est parce qu'ils étaient des entre-deux spatiaux, des zones intermédiaires (comme les ponts, seuils, puits,...) et donc forcément un peu dangereuses pour ces gens.

 

 

2) Christianisation et lutte contre ces cultes.

 

Le christianisme a d'abord essayé d'éradiquer ces pratiques mais en vains comme le témoigne Martin de Braga au VIème siècle en Galice dans son De correctione rusticorum :

 

« Et quomodo aliqui ex vobis, qui abrenuntiaverunt diabolo et angelis eius et culturis eius et operibus eius malis, modo iterum ad culturas diaboli revertuntur? Nam ad petras et ad arbores et ad fontes et per trivia cereolos incendere, quid est aliud nisi cultura diaboli? »

 

« Alors pourquoi certains d'entre-vous qui ont renoncé au diable et à ses anges, ses prières et ses mauvais faits reviennent l'adorer ? Pour allumer des bougies sur les rochers, les arbres, les fontaines et les carrefours. Qu'est-ce si ce n'est de l'adoration du diable ?»

 

Il parle de diable pour parler d'un dieu pré-chrétien, dans un autre passage il cite le dieu par un nom latin :

« Alius deinde daemon Mercurium se appellare voluit, qui fuit omnis furti et fraudis dolosus inventor; cui homines cupidi quasi deo lucri, in quadriviis transeuntes, iactatis lapidibus acervos petrarum pro sacrificio reddunt »

 

« Un autre s'appelle Mercure, l'inventeur de tout les larcins et de toutes les supercheries à qui les hommes cupides font des sacrifices comme s'il était le dieu du profit, formant des piles de pierres quand ils passent aux carrefours »

 

Ce que Martin appelle « Mercure » doit être un dieu syncrétique celto-romain comme c'était très souvent le cas à l'époque.

 

 

3) Syncrétisme médiéval

 

Les évêques auront beau faire, lutter contre ces pratiques a été voué à l'échec. Revenons en Bretagne, plusieurs siècles après la christianisation, l'évêque de Saint Brieuc (en 1128) peste contre la pratique d'enterrer des gens aux pieds de croix dans les carrefours. Nous avons là un parfait exemple de syncrétisme, la pratique antique est préservée, mais avec une « croix » au lieu du temple miniature...

 

Pourquoi enterrer certaines personnes aux carrefours ? Eh bien comme nous l'avons vu, les génies tutélaires sont d'abord, selon ces croyances, les esprits des morts qui continue de protéger les vivants. En enterrant certains membres de la famille sous certains lieux stratégiques (comme les carrefours), ont se garantit leur protection. Cette pratiques rejoint celle d'enterrer des animaux, voir même des enfants mort-nés sous la pierre du foyer comme nous l'avons déjà vu.

 

 

4) Croyances populaires

 

Le nombre de calvaires aux carrefours, est en soit une preuve du culte qu'on leur portait jusqu'à très récemment.

Vous trouverez facilement des légendes ou des croyances se déroulant dans des carrefours. On pensait que les sorciers s'y réunissaient, comme par exemple auprès de la croix de Keralio en Brière. Cette croix est en fait un ancien menhir qui bordait une voix antique (sur une pâte d'oie), selon la légende, les sorciers y menaient un si grand tapage durant leurs sabbats que le menhir fut taillé en forme de croix. A la Révolution, de peur de voir leur croix/menhir détruite les habitants de Keralio l'aurait déplacée dans le carrefour se situant au centre de leur village.

En Avessac, les garous se réunissaient aux carrefours pour y pousser d'épouventables cris (Estourbeillon).

 

 

5) vocabulaire :

 

En gallo le nom du carrefour :

-pate de wa

-crouézée

 

En breton :

-kroazhent (qui aurait donné le mot gallo « craïssant » à Bouvron, toujours pour le carrefour)

 

 

Bibliographie :

Martin de Braga :De correctione rusticurum

Ariès P. L'Homme devant la mort, Le seuil, 1977, Paris

 

Bréca

Bréca

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